Isidore Séville et la théorie humorale : sources et héritage
Maria Vittoria Martino  1  
1 : UCLouvain

La présente communication veut explorer l'influence des réflexions philosophiques sur l'élaboration de la théorie des quatre humeurs dans les écrits d'Isidore de Séville.

Dans le cinquième chapitre du livre IV des Étymologies, le De quattuor humoribus corporis, Isidore de Séville illustre la théorie humorale.

L'idée qui conçoit le corps humain gouverne par quatre éléments trouve ses racines dans la philosophie présocratique qui avait concentre ses pensées dans la recherche de la réalité primaire. Sera fondamental Platon qui, avec le Timée, introduit l'idée de l'existence d'un rapport mimétique entre l'homme et l'univers.

La tradition médicale accueille et suit la conception introduite par le Timée et elle unie à cette dernière les analogies relevées entre les aspects physiologiques du corps humain et les éléments naturels.

C'est dans les traités du Corpus hippocraticum De septimanis et De diaeta qu'on trouve une rédaction organisée de cette théorie. Dans le De septimanis apparait aussi le concept de συμπάθεια élabore par la philosophie stoïque qui contribue au développement de la théorie humorale.

Les principes de cette théorie vont dominer la cosmologie de l'Antiquité tardive et du Moyen Age, les auteurs chrétiens continuent à utiliser des concepts issus de la philosophie païenne pour expliquer le récit de la création et l'homme devient le nœud qui relie le monde matériel au monde spirituel. Les écrivains tardo-latins étudient cette théorie dans les textes philosophiques néoplatoniciens, notamment dans la traduction et commentaire du Timée faite par Calcide ou dans le in Somnum Scipionis de Macrobe.

En ligne avec son temps, Isidore de Séville hérite la théorie humorale et la développe dans plusieurs de ses textes. Comme on l'a dit, il en parle plus largement dans le quatrième livre des Étymologies, mais on en trouve de références aussi dans les Differentiae, le De natura rerum, le Liber numerorum et dans les Sententiae ainsi que dans le livre XI des Étymologies, le De homine et portentis. Les élaborations de cette théorie dans les œuvres isidoriennes suivent à la fois celle que Jacques Fontaine avait défini comme ≪ Physique moralisée[1] ≫ et autrefois elles montrent plutôt une forte influence de la tradition médicale.

Notre communication se pose avant tout comme objectif d'analyser la coexistence des sources philosophiques, médicales et théologiques dans l'élaboration isidorienne de la théorie humorale. La coexistence de diverses sources, un des éléments distinctifs de la production isidorienne, est, dans le cas de la théorie humorale, d'autant plus intéressante parce qu'elle est particulièrement riche et variée. L'influence de ces textes, notamment ceux de Platon, des stoïciens, et des auteurs chrétiens comme Ambroise et Lactance (notamment l'Hexaemeron d'Ambroise et le De Opificio Dei de Lactance), sera examinée pour montrer comment Isidore intègre et transforme la théorie humorale dans un contexte chrétien.

Cette analyse révèlera non seulement l'importance des sources antiques dans la pensée d'Isidore, mais aussi comment ses travaux ont contribué à la persistance de la théorie des quatre humeurs dans la tradition intellectuelle occidentale. Son autorité, en effet, sera fondamentale pour qu'elle reste dans l'occident latin et chrétien.


[1] Fontaine 1983 2 p. 663 Jacques Fontaine, Isidore de Séville et la culture classique dans l'Espagne wisigothique, Paris, 1983 (1959).

 



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