La science chez les chrétiens du premier millénaire
Philipp Roelli  1  
1 : Université de Zürich

Au cours de cet exposé, je me propose d'étudier la relation entre le christianisme et la science grecque antique au cours du premier millénaire. Il semblerait logique d'assumer qu'au début de son ère, le christianisme adopterait une position de principe opposée aux connaissances séculières, et en particulier aux connaissances séculières païennes. Le philosophe païen Celse (vers 180), par exemple soutenait ce point de vue. Cependant, à la même époque apparurent les premiers intellectuels chrétiens, dont la plupart des pères de l'Église suivront l'approche : c.-à-d. que le christianisme doit s'approprier toutes les composantes de l'antiquité païenne qui n'était pas considéré comme provenant de Satan. En d'autres termes, comme l'a formulé Saint Augustin : comme si les païens en étaient les possesseurs illégitimes. Les pères de langue grecque ont également absorbé une grande partie de la science issue de leur éducation grecque, comme c'est manifeste par exemple, chez Saint Basile. Après la chute de la Rome occidentale et la transformation de la société de la Byzance chrétienne, on aurait pu s'attendre à un développement différent entre l'Orient grec et de l'Occident latin, particulièrement étant donné que les échanges entre les deux moitiés de l'ancien empire n'étaient alors plus que sporadiques. Cependant, en dépit d'un développement extérieur assez différent, les deux parties de la chrétienté continuent à cultiver ce que l'on pourrait appeler la « science romaine », qui, contrairement à la science hellénistique-innovatrice, est davantage portée sur la compilation des connaissances. Les chrétiens du premier millénaire suivent en large part cette tendance. Nous trouverons et analyserons quelques exceptions à cette tendance : les scientifiques grecs Synésius, Stéphane d'Alexandrie et Jean Philopon, et le latin Gerbert d'Aurillac. À côté de ces derniers, il y a aussi eu des auteurs dont l'importance pour l'histoire de la science se trouve principalement dans la transmission de la science antérieure : Boèce, Photios, Aréthas. Nous en concluons que les relations entre la science grecque et le christianisme, largement paisibles dans l'Orient grec, étaient plutôt de nature symbiotique dans l'Occident latin, où la science et le savoir antiques ont grandement contribué à « civiliser » et à christianiser les envahisseurs nouvellement arrivés.



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